J’ai eu la chance d’observer, le 22 février, deux pics chevelus mâles qui dansaient du bec dans une espèce de tango non pas langoureux, mais soutenu. Sans relâche, ils s’approchaient, s’éloignaient, se suivaient. Comme accroupis sur la branche du moment, ils se dandinaient en envoyant leur bec vers le haut, d’un côté puis de l’autre en cadence… l’autre, devant, faisant exactement le contraire, comme deux chefs d’orchestre têtus, synchronisés à l’opposé. Spontanément, j’ai dit qu’ils dansaient.
J’ai trouvé une référence appelant ce comportement bill-waving dance, ou danse d’ondulation du bec (je n’ai pas trouvé de traduction officielle). Et il ne s’agit pas, même si j’ai observé une femelle au même moment pas loin, d’une parade nuptiale. Il s’agirait plutôt d’une tentative d’intimidation: heille chose ici c’est mon territoire! Ce serait le même comportement que deux matous qui hérissent leur poil pour faire peur à l’autre tout en évitant le combat… et ses risques. Les femelles le feraient également entre elles.
On peut se demander pourquoi deux pics chevelus se font face, dans un petit boisé, au mois de mars, pour des épisodes d’agitation de becs qui peuvent durer plus d’une heure. Plusieurs réponses sont envisageables. L’une est que comme la limite [du territoire] est nouvelle, aucun des mâles n’a un avantage psychologique sur l’autre. Dans ces circonstances, chacun pourrait lutter aussi âprement que l’autre si un conflit ouvert se déclenchait, et des blessures pourraient en découler. En tenant leurs armes (c.-à-d. leurs becs) vers le haut et l’arrière, dans une posture inefficace pour donner des coups, les rivaux peuvent se confronter dans un conflit ritualisé relativement bénin. Il est également possible que la nature prolongée de ces conflits joue un rôle d’imprégnation, c’est-à-dire qu’il force chaque mâle à très bien se familiariser avec ce petit boisé où s’est déroulé le conflit prolongé.
Traduction libre d’un extrait du texte de Lawrence Kilham, Reproductive Behavior of Hairy Woodpeckers, Wilson Bulletin June 1969 Vol. 81, No. 2.
Dans le cas très précis de nos pics ici, mon hypothèse est que leur territoire… dépend un peu de notre station de suif et tournesol. Ils peuvent le défendre avec ses frontières tant qu’ils le souhaitent, ça n’empêchera pas plusieurs couples de venir faire bombance chaque jour ici. Même que je soupçonne que nos beaux mâles dansants ont probablement été élevés ici, sur notre suif, par leurs parents (non mais j’ai des preuves que ça arrive!)… et qu’ils vont faire la même chose à leur tour.
Comme c’est intéressant! Pics chevelus et mineurs se partagent le gras chacun leur tour ici. Et oui,moi aussi j’ai vu les parents y nourrir leurs petits. J’en ai même vu un qui avait prit l’habitude de mettre une graine dans une craque de poteau à côté de la mangeoire ,pour la décortiquer,enseigner sa méthode à son jeune.
Waou, s’ils s’enseignent ça de génération en génération, tu pourras les voir d’année en année en connaissant leur arbre généalogique, c’est génial!