L’abysse logique

J’ai lu avec intérêt l’article Le secret des bons profs dans L’Actualité. En voici trois extraits.

[…] le recours à l’enseignement efficace. En (très gros) résumé : quand son groupe ou certains élèves éprouvent des difficultés, elle sait qu’elle doit transmettre la matière autrement.
[…]

« L’enseignement efficace, ce n’est pas une méthode, mais une série de gestes », souligne Nathalie Parent, responsable de l’encadrement de la formation en enseignement efficace à la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, à Montréal. « En classe, poursuit-elle, ça se résume à des techniques de questionnement et d’évaluation. Par exemple, dire : “Tout le monde a compris ? Oui, bon, on passe à autre chose”, ça ne marche pas. Il faut demander : “Qu’est-ce que vous avez compris ? Comment tu le dirais dans tes mots ? Comment tu le dirais à l’autre ?” »
[…]

Toutes les études démontrent que ce qui produit de très gros résultats, c’est un enseignement directif, fortement axé sur la lecture, où l’enseignant profite de formation continue et assure la rétroaction avec ses élèves. C’est la base de l’enseignement efficace.

Jean-Benoit Nadeau, Le secret des bons profs, l’Actualité, 7 août 2019

On dit aussi dans l’article que le ministre actuel de l’Éducation est «un converti de longue date à l’enseignement efficace». Eh bien il faudrait qu’il m’explique sa cohérence, lui qui trouve tellement que l’école-maison est un foutoir qu’il faut à tout prix contrôler. Ah, il croit aux données probantes issues d’études scientifiques? Bizarre, parce que les études disent toutes, justement, que le contrôle étatique n’a pas d’impact significatif sur la réussite des élèves qui ne fréquentent pas l’école. D’ailleurs cette réussite est avérée également, sans que le ministre en tienne compte.

C’est vrai que chez nous, il n’y a pas de tableau blanc interactif ni d’appli pour tablette à utiliser. Pourtant, comme l’apprentissage se fait avec un ratio un élève-enfant, un adulte… l’efficacité est bien au rendez-vous. Oui, exactement comme en enseignement efficace! Très exactement comme ça, en fait, et sans technologie ni recours à tout un réseau hiérarchique.

Dès qu’on commence à lire sur comment faire l’école à la maison, un conseil revient sans cesse: si ça ne fonctionne pas, changez le système. L’enseignant, en école à la maison, est un parent. Et un parent, ça se remet en question (sans cesse!), à plus forte raison quand il enseigne! Quand ma fille ne comprend pas, je vous l’ai déjà dit et je lui ai déjà dit: j’ai mal expliqué. Pas mal dans l’abstrait, mais mal pour elle, à ce moment-là. Soit on recommence autrement, soit on attend et on y revient (parce que parfois, c’est l’enfant qui n’est pas prêt, et il faut en tenir compte aussi). Les gens qui font l’école à la maison n’ont pas attendu que ce soit testé en classe: ils ont compris (peut-être justement parce qu’ils ne viennent pas de passer des années à étudier comment enseigner? Ils inventent à mesure et en ont nécessairement conscience…) que quand ça cloche, il faut… changer le prof!

M’assurer que ma fille a compris? La rétroaction entre elle et moi? Mais… ça se fait en continu, tout le temps, sans aucun effort! C’est facile à comprendre: j’en ai une, pas vingt-cinq! (Avec toute mon admiration aux enseignantes et enseignants, en passant!) Si on finit une page de cahier et que la suivante lui semble venue de nulle part, comme si on avait sauté trois étapes, manifestement ça allait trop vite, et on doit revoir la notion (autrement, et peut-être le lendemain; pas de problème, on sera là). Et de la même façon, quand je la vois partir dans la lune parce que les exercices ne la stimulent pas, le lui offrent aucun défi, je… le vois. Simplement. Cet aspect-là de l’enseignement efficace est aussi intégré, forcément, à l’apprentissage en famille.

Un enseignement directif fortement axé sur la lecture? C’est très précisément ce qui se passe chez nous! Malgré mes efforts en ce sens (je vous jure…), ma fille ne s’ennuie jamais longtemps: elle lit, et ça règle son «problème». Elle fait… comme ses parents.

Ce que je comprends, c’est que l’école, les chercheurs, les universités, les technologues… tout le monde essaie de faire en classe ce qui, en réalité, fonctionne à la maison depuis longtemps, et la technologie les aide à y parvenir. Ben c’est super, ça. Vraiment génial. Félicitations!

Ce que je ne comprends pas, c’est qu’en même temps, on (le ministre actuel et son parti) souhaite écraser ma petite réalité, alors qu’on (tout le monde, même lui!) souhaite la copier et en faire un système généralisé. Pendant qu’on tente de rapprocher le Système de ma réalité… on insiste pour saupoudrer du Système-qui-ne-fonctionne-pas (les examens du ministère, le programme imposé) dans ma réalité pourtant considérée… idéale. Efficace. Y a là un manque de logique abyssal, surtout quand on prétend faire cela pour favoriser… la réussite de l’élève. (Puisqu’il reçoit un enseignement qu’on cherche, somme toute, à émuler, il faudrait prouver [que les études ont tort et] qu’il échoue, avant de vouloir le sauver d’un échec imaginé!)

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