Marguerites

Quand j’étais petite, des milliers de fleurs sauvages poussaient autour de moi. Mes préférées depuis toujours? Les toutes simples marguerites blanches (Chrysanthemum leucanthemum*, Leucanthemum vulgare, ox-eye daisy), dont je cueillais des boueuts immenses et presque quotidiens. Mes petites mains avaient peine à enserrer tout ce que je pouvais récolter, mais j’aimais avoir mes bouquets de soleil dans la maison aussi! Ici aussi, de nombreuses marguerites poussent (mais le sol est moins sablonneux, alors rien à voir avec les champs de mon enfance pour ça…). D’abord, vu la blancheur des pétales et la longueur de la tige qui se promène joyeusement dans le vent, pas facile de prendre une photo! Ensuite? Misère. Mon coeur est brisé: ma marguerite chérie, les experts l’appellent mauvaise herbe. Mauvaise, ma marguerite? Voyons donc!

C’est donc dire que les jardineries vendent des mauvaises herbes cultivées? Car j’ai acheté, pour l’entrée, un plant de Leucanthemum superbum ‘Alaska’ (qui commence à fleurir et qui est rustique jusqu’en zone 3 (je vis en zone 4 mais aussi bien donner une chance à tous mes végétaux!))! Elle est, paraît-il, résistante aux chevreuils (on n’en a pas encovre vus, et si on en voyait il faudrait vérifier qu’ils ne se sont pas évadés du zoo! (Quand j’étais petite, trois bisons se sont échappés. Savez-vous que quand vous avez trois ans et que vous entrez dans la maison en courant pour dire à la fermière qu’un bison vient de passer devant la maison, elle ne vous croit guère? Qu’elle vous offre un air si dubitatif que même à trois ans vous voyez bien qu’elle n’en croit rien? Du moins jusqu’à ce que la nouvelle s’ébruite dans le village…). Il paraît aussi qu’elle se re-sème elle-même et j’entends bien l’encourager à se propager!

Le frère Marie-Victorin, dans la Flore laurentienne, a traité de la marguerite. Je me dis que j’aurais eu plus de plaisir à l’école avec lui:

On sait que le nombre des rayons de la marguerite (comme chez la plupart des composées ligulées) n’est pas fixe, mais oscille entre un maximum et un minimum, avec une moyenne présentée par le plus grand nombre des individus. C’est l’une des meilleures illustrations du phénomène de la fluctuation à l’intérieur de l’espèce. Une excellente leçon de choses, pour une classe de biologie élémentaire, consistera à faire compter par les élèves le nombre des rayons de mille capitules et à établir la courbe de variation. La comparaison des courbes obtenues dans des expériences faites en divers temps et divers lieux montrera que l’hérédité transmet non point une valeur particulière de la fluctuation, mais l’amplitude de la fluctuation, la courbe et ses paramètres.

Par contre, il en rajoute:

La marguerite, qui se trouve maintenant en immenses quantités, de l’Atlantique jusqu’aux limites du Manitoba, est l’une de nos pires mauvaises herbes dans les prairies à foin, où elle ne tarde pas à étouffer l’herbe.

Encore une fois, on la qualifie de mauvaise! Grrrr! Voilà qui enrage la campagnarde comme si c’était elle qu’on traitait d’indésirable! Même le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec la considère comme (attention, attention) mauvaise herbe par règlement! (Il n’en faut pas davantage pour effrayer la campagnarde, qui a peur de trouver son nom dans un tel règlement! Bon, peut-être pas dans le Règlement de 1983 sur les aliments du bétail, mais on ne sait jamais!). Eh bien voici pourquoi on l’appelle ainsi: bien qu’elle ne soit pas toxique pour les animaux, elle donne au lait des vaches une saveur désagréable. Elle est aussi difficile à éradiquer (pas de problèmes, je n’ai pas de vaches!) parce qu’elle produit de nombreuses semences qui ont une longue durée de conservation et qu’elle repousse hardiment si on en laisse un morceau dans le sol (source en anglais). Pour moi, ce sont là des avantages! Voyez ce que je veux dire? On ne devrait pas qualifier de mauvaise une plante qui ne nous a rien fait et qui, au fond, n’est pas mauvaise, mais indésirable sur les exploitations laitières. Toute une différence, il me semble!

*Au fait, je ne vous ai jamais dit pourquoi je tiens à indiquer le nom latin des plantes! C’est en partie une affection pour le latin, que j’ai étudié pendant trois ans avec deux professeurs parmi les meilleurs, et en partie une question professionnelle: pour une seule plante, le français peut avoir plusieurs noms communs, et l’anglais plusieurs autres, qui peuvent se ressembler mais ne pas correspondre. La solution pour être bien certaine de trouver la traduction du nom d’une plante? Le latin, qui permet de faire un lien plus certain. L’expérience me dit qu’un jour un traducteur ou une traductrice tombera sur ce petit site en cherchant le nom d’une plante, et je voudrais bien lui faciliter la vie (et que tous fassent de même pour moi, ha!).

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5 réponses à Marguerites

  1. Etolane dit :

    En tout c’est la plus jolie des mauvaises herbes que j’ai jamais rencontré au bord du chemin! J’ai aussi toujours eu une petite faiblesse pour la marguerite des champs, une faiblesse qui perdure encore aujourd’hui…

    • vieux bandit dit :

      Elles est touchante! Si simple, si pure, et si résistante. Elle pousse dans les sols pauvres, dans le sable, partout, et on dirait qu’elle le fait juste pour provoquer des sourires. Comment lui résister? Je n’ai pas cherché!

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