Dans ma chambre de toute petite fille il y avait des étagères à même le mur, que mes parents avaient remplies de leurs livres, probablement en attendant de créer leur propre espace pour les livres, puisque de toute façon je ne pouvais pas accéder aux tablettes. Mais ces livres, je les voyais. Tout le temps. Je les désirais. Je voulais y toucher, en tourner les pages. Des trésors… inaccessibles!
J’avais près de sept ans quand mes parents nous ont transplanté en ville (manifestement ils ne savaient pas que j’avais, moi, une racine pivotante qui s’était ancrée dans mon sol natal et ne s’en détacherait pas!). Ça reste pour moi la grande blessure, du genre à laisser ses traces malgré une cicatrisation qui se perfectionne depuis mon retour. Mais la petite fille meurtrie que j’étais a reçu tout un baume en cadeau: mes parents m’ont amenée à la bibliothèque municipale (et dans ma malchance citadine, j’ai eu une chance inouïe d’atterrir à Ville Saint-Laurent, car sa bibliothèque était (et est toujours, j’en suis certaine) phénoménalement géniale!). Vous dire mon émoi? J’en suis incapable: rien qu’à y penser j’ai la chair de poule et les larmes aux yeux. C’était comme trouver le Temple et découvrir que j’avais le droit d’y entrer et de tout y lire, de tout y prendre! J’avais le droit d’emprunter dix livres pour trois semaines, dont quatre bandes dessinées. J’ai dévoré Charlie et la chocolaterie sans savoir que c’était un classique anglophone, peut-être même lors de ma toute première visite. Avec les ans, des collections entières y sont passées. Même cégépienne je retournais souvent à cette bibliothèque-là, qui aura toujours un petit recoin au chaud dans mon coeur.
Ma passion pour la lecture et les livres ne s’est jamais calmée. J’ai fini par en acquérir beaucoup. Ça continue, mais maintenant ce sont des livres de référence et d’instructions qui entrent surtout. Et les livres pour enfant qui sont en plus grande rotation (heureusement j’en avais déjà beaucoup et le Coco aussi).
Ici dans notre village il y a une bibliothèque, tenue par une bibliothécaire bénévole (et son équipe tout aussi bénévole) depuis 30 ans. La bibliothèque est ouverte un soir par semaine pendant deux heures. Et elle tient… dans ce qui était une salle de classe de l’école où j’ai fait ma première année (on était 12 dans ma classe et l’école ne comptait pas 40 enfants). Elle fait partie du réseau Biblio, ce qui fait qu’une partie des livres est en rotation (donc on a accès à bien plus que ce qu’on voit sur les tablettes). Nul besoin d’y chuchoter: il n’y a là que quelques personnes… qu’on connaît presque toutes. Les enfants ont leur coin, leur racoin.
Je ne veux surtout pas cracher sur notre bibliothèque municipale. Vraiment pas. Au contraire, je la voudrais gigantesque. Je voudrais passer chez vous, citadins, et ramasser vos livres poussiéreux et les offrir à tous ici. Mais elle est ce qu’elle est, et elle me rend triste. Oh, j’y trouve de quoi lire, c’est certain. Surtout que je lis beaucoup en anglais, alors ça me ramène dans le français chemin! Mais j’ai jeté un coup d’oeil aux livres de référence sur les oiseaux, les animaux, la nature, etc. Le seul que je n’avais pas (mais j’en rêve depuis longtemps!), c’est la Flore laurentienne. Et justement, en ajoutant les ouvrages en anglais, j’ai accès chez moi à une richesse de renseignements infiniment plus vaste… (oui vous me direz, y a le Web. Mais pas tant que vous croyez dans ma région. Et encore faut-il savoir départager les bonnes sources des moins fiables. Et l’anglais est encore d’une aide précieuse…)
Je me fais souvent dire Oui mais Helene, la magie, la magie! Parce que je dis non, moi je ne ferai pas croire au Père Noël, au lapin de Pâques, à la fée des dents (heille!). Pas question (vraiment aucunement question!). Non, je ne trouverai pas ça cute que ma fille trippe sur les princesses (on va avoir de longues conversations sur qui paie les princesses et pour quoi faire!). Je vais lui dire les vraies affaires. Et la magie? Mais je vous en parle depuis le début, de la magie! Dans les livres! Et pour la lui faire vivre, justement, j’aimerais une bibliothèque-temple, un lieu qui dit clairement que oui, lire, savoir, connaître, découvrir, imaginer, rêver, c’est important! (Évidemment que ça va passer par d’autres chemins: ce n’est pas grave, c’est juste une réflexion! Au contraire, ça deviendra peut-être une motivation pour aller à travers le Québec en découvrir, des bibliothèques!)
Oh que oui; livres et magie ça va ensemble!
Je suis passée il y a quelques jours devant la bibli de mon enfance (juste au nord de ville-st-lô) où j’allais faire le plein de trésors au volant de mon petit vélo rouge sur lequel mon père avait installé un panier de broche pour que je transporte mes trouvailles… À chaque fois j’avais l’impression d’entrer dans une caverne d’Ali Baba!
J’ai presque versé une larme en découvrant ma bibli, pareille comme « dans l’temps »…
Mes enfants sont comme ça aussi on dirait.
Les collègues masculins de secondaire de ma grande disaient que pour l’attirer, il fallait faire le bruit du livre! Ça dit tout!
Je me souviens d’une rencontre de parents lors de laquelle une maman avait demandé à la prof comment donner le goût de lire aux enfants… alors que moi je me demandais comment les faire arrêter de lire pour jouer dehors!
Bref, je la vois la magie dont tu parles!
Hahahaha: moi j’allais dehors… avec un livre! 🙂
Na na na! Ça compte pas ça!
Non, hein? 😉
Mais j’y ai repensé, et la lecture jouait déjà un rôle important dans ma vie à la campagne, mais en ville je ne sais pas ce que je serais devenue sans elle. La grosse différence, c’est qu’en campagne j’allais dehors toute seule tout le temps n’importe où. En ville ça ne se fait juste pas (et bien moins maintenant qu’avant… pauvres enfants!).
Petite,j’habitais à La Tuque.
J’avais 6 ans et je prenais des leçons de violon au « centre-ville »..Je n’avais pas le droit de revenir toute seule à la maison.Donc 2 grandes me raccompagnaient toujours.Un bon soir,elles me disent qu’elles doivent faire un arrêt à la bibli.La bibli?Qu’est-ce que c’est?Alors elles m’ont fait entrer dans une caverne(la bibliothèque était dans un sous-sol sombre sous la caisse populaire)remplie de livres.Je n’en revenais pas.Je n’avais aucune idée qu’une telle place existait!Les livres sont entrés dans ma vie ce soir-là(je me suis empressée de m’abonner)et n’en sont plus ressortis depuis ce temps.
J’étais tellement excitée d’aller apprendre la nouvelle à mes parents.Dans ma petite tête de 6 ans j’étais certaine qu’ils ne connaissaient pas l’existence d’un tel lieu!
Ah quelle belle histoire! Ça me donne envie de déménager notre bibli dans un sous-sol pour refaire l’effet caverne d’Ali Baba! 🙂
C’est tellement important dans une vie, ces étincelles-là. Quelle richesse!