Personne de malade ici, et nous prenons toutes les précautions pour que ça reste comme ça. Je nous souhaite et je vous souhaite de la chance pour que ça reste ainsi, car ce que je lis sur les atteintes de la maladie n’est pas rassurant. (J’ai fait des bronchites et une pneumonie y a longtemps, et ne pas pouvoir respirer me fait paniquer, ce qui empire tout; je ne souhaite ça à personne!)
La distanciation sociale forcée, paraît-il, amène les gens à se réunir virtuellement. Je comprends l’impulsion, mais je ne suis pas capable; ce n’est pas ma réaction viscérale. J’envoie des courriels à des amis, mais je ne sens aucune envie de retourner sur les réseaux sociaux, aucune (parce que pour/en moi, les réseaux sociaux augmentent la solitude et l’isolement, les magnifient et les fermentent). Pour ce qui est d’écrire ici ou sur la Foliole, je bloque (ce billet-ci, petit déblocage, ressemble à un billet de blogue d’y a 20 ans, pas mal plus personnel que mes Campagnonades habituelles. Eh ben). Même lire pour de longues périodes m’est difficile. Je fais des rêves délirants la nuit et, le jour, j’ai des réalisations soudaines. Par exemple? Je ne gagnerai jamais de concours de popularité. (Ok, dit comme ça, c’est drôle, mais ce que je veux dire, c’est que je ne ferai jamais consensus, que je me taise ou que je m’exprime, peu importe à quel sujet. C’est absolument vrai, ça ne changera pas, mais par bouts, je trouve ça lourd à porter. Le plus facile, c’est de me taire, mais ça ne suffit même pas!)
Il y a (encore) plus de musique qui joue dans la maison que d’habitude. J’ai (beaucoup) moins de travail (mes clients ont réduit leurs activités). C’est ce qui a changé dans notre quotidien de gens casaniers qui vivent loin de tout et de tous. Pour nous, l’école à la maison n’a rien d’inhabituel; ce qui l’est, c’est que tout le monde se considère maintenant comme le faisant! (Je me demande s’il y en a qui auront la piqûre. Sachez cependant que personne, avant la pandémie, n’aurait fait ce choix-là en isolement total, sans bibliothèques, musées, amis, etc.! Sans pandémie, l’école-maison est beaucoup plus riche et facile, je vous assure. Et quand on en fait le choix sans qu’il nous soit imposé, on peut se créer un programme personnalisé, c’est vraiment fantastique.)
Mon anxiété frôle les nuages, pas en texture vaporeuse mais en altitude. Je vais passer entre toutes les craques et mailles des programmes d’aide, et ça ne sera plus drôle bientôt, déjà que notre situation financière pouvait être qualifiée de (très) précaire avant. (Oh le tabou.) Comme je dis parfois, ça va pas ben (de ce côté). J’étais en train d’hypocondrire (n’est-ce pas) sur mon front qui bosselait quand une amie m’a dit que c’était le stress, et me mettre des compresses chaudes. À la première compresse, j’ai presque fondu en larmes tant ça m’a soulagée. Je suis une boule d’angoisse, mais je suis moi: si je ne l’exprime pas, ça ne paraît pas (je vire ça vers l’intérieur).
L’angoisse étant un moteur alimentaire pour moi, je cuisine probablement encore plus qu’avant (ce qui fait un peu peur, j’avoue). J’ai déjà deux pains au levain de faits (on ne manquait pas de pain, mais le levain était mon nouveau défi, relevé cette fois-ci) et leurs saveurs m’épatent (vive le seigle!). Le kombucha est en deuxième fermentation: je le veux pétillant. Le ferment de gingembre (ginger bug) ne semble pas vouloir pétiller (ça me prendrait du gingembre bio, dans ma région, pendant une pandémie: ben quin (alors quoi? alors j’ai planté du gingembre germé, voyons!)). Les vinaigres de kombucha et de pomme font leur travail pendant que je les attends. Mon homme a fait un kimchi qui sent trop bon dans toute la cuisine: j’ai envie d’y plonger la main et de m’en goinfrer (alors que pour autre chose l’appétit a disparu). Le réfrigérateur et le comptoir sont remplis d’oeufs que je n’irai pas livrer à Montréal, où ils vont d’habitude.
Un ami m’a parlé d’infoxification, s’intoxiquer à force de s’informer. C’est là où j’en suis aussi. Mais bon… un jour à la fois (doux Jésus — mais d’où me viennent ces chansons douteuses? un peu plus et je vous parle du mystère de la foi… ha!), un problème à la fois, tout en respirant si possible, en s’accrochant au fait que nous sommes toujours en santé et en relative sécurité. Je vous souhaite de l’être aussi, et de le rester. (Je vous souhaite également de ne pas vivre d’inondation cette année. Et de ne pas avoir besoin d’aide médicale d’ici la fin de la crise. Il y aura les victimes de la covid-19, mais il y aura aussi beaucoup de victimes indirectes dans les prochains mois, les prochaines années.)
Et pis quoi encore? Un tremblement de terre. Dans mon lit, je trouvais ça fort et long, assez pour que je comprenne ce qui se passait et que ça continue encore avant de cesser.