Champ

La matin, je me promène avec Tango dans un champ pas trop loin. D’habitude, comme me l’a fait remarquer un ami, les agriculteurs n’apprécient pas trop qu’on s’approprie le droit de se ballader sur leurs terres sans d’abord demander la permission (et je les comprends). Pas de troube, que je lui ai dit: ce champ appartient à mon petit frère! Hein, campagnarde, que dis-tu? N’es-tu point enfant unique? Eh bien oui… et non. Car l’enfant-campagnarde passait beaucoup de temps dans une famille nombreuse et fermière, et quand le petit dernier est né, je l’ai accueilli comme ses autres frère et soeurs. (Oh qu’il a été gâté ce petit prince-là!) Depuis ce temps, un grand bout de vie a passé, et quand je suis allée à la ferme annoncer notre achat de la maison et mon retour à la maison-au-sens-large, surprise, le fermier s’était métamorphosé! Plus d’homme mûr me taquinant, mais à sa place son fils, devenu homme aussi (et bientôt papa: ça pourrait même être aujourd’hui!)! (Ses parents, mes deuxièmes parents, vivent maintenant au village, ayant laissé la place à la prochaine génération, mais si vous connaissez un fermier, vous devinez bien que papa-fermier n’est jamais loin…)

Certains de mes souvenirs anciens sont diffus. D’autres sont faussés, je m’en doute. Mais en me réinstallant ici, je savais à qui appartenait ce champ, même loin de la ferme. Comme une connaissance inscrite dans mon corps même. C’était… évident. (Évident aussi que la permission m’était accordée d’avance d’y déambuler, même si j’ai bien veillé à confirmer!) Ce champ-là, madame, c’est celui où il y a eu un ours dans le maïs à vaches en 1980 ou 1981. Ben oui. Ça m’avait marquée. Les hommes avaient pris leurs fusils de chasse et étaient partis effrayer et repousser la bête (c’est du moins ce que mes souvenirs me disent et je choisis fermement de les croire). En fait, on devait alors être dans une période forte du cycle des ours, car c’est à la même époque que nous avons installé une grosse boîte rouge en bois pour les déchets (loin, loin de la maison, mais ça, c’était pour que le camion les ramasse, car il ne venait pas jusqu’à nous!), et que j’ai vu un ours sur le terrain des voisins (petit, donc pas seul, mais je n’ai pas été confirmer!).

Dans le champ de luzerne, donc, j’avance d’un pas ferme. Dans le champ de maïs au bout, je m’aventure… peu. Tout dépend de l’heure. (Et je garde un oeil sur Tango, qui sentirait l’ursidé bien avant que je ne le voie.) Mais qu’ai-je vu hier sur le sentier du champ de luzerne? Des traces. Énormes. Après consultation de bouquins… je dirais que ce sont des pistes de coyote. La promenade insouciante est maintenant devenue une enquête alerte. Pas qu’un coyote risque de nous attaquer, mais… si je m’étais complètement gourrée et que c’était plutôt un cougar? (Oui bon, ça pourrait aussi être un gros chien, j’y ai pensé, mais alors il serait vraiment, mais alors là vraiment énorme, car les pistes ont quatre fois la taille de celles de Tango!) Alerte, je vous dis. Et me voilà toute mêlée, car d’un côté j’adore le côté bucolique et pur de l’endroit (et c’est ce dont je voulais d’abord parler, de ma joie douce et de ma chance d’avoir accès à ce petit coin de paradis où mon chien s’ébroue librement et sniffe de fameuses crottes sauvages [et d’autres, pas si sauvages, comme le fumier de poulet qu’il affectionne tant, à mon grand désarroi!]) et de l’autre… je voudrais vraiment y installer une caméra (à infra-rouge?) avec détecteur de mouvement!

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