Lorsque meurent mes chats, je mets leurs corps en terre. Tasha, Rimbaud et Katcher sont tous enterrés pas loin d’ici (ce n’est pas vraiment un hasard). Lorsque Milady, ma douce, ma toute première et ma princesse, est décédée au printemps, j’ai cru que son corps allait aller rejoindre ceux de ses frères et de sa soeur. Pourtant non. J’y ai beaucoup réfléchi et j’ai préféré l’enterrer ici, chez nous. Commencer une nouvelle tradition. Nous l’avons fait à deux, l’Homme et moi. La pire souffrance était passée déjà, et l’enterrement a été triste mais sans sanglots (que je refoule maintenant). Je tenais cependant à marquer sa tombe dignement. Il ne s’agit que d’un symbole, bien sûr, puisqu’il est évident que ce que j’aimais chez ma chatte ne se trouvait plus dans ce corps et que ce n’est pas le corps que je souhaite commémorer mais bien, à défaut d’un meilleur mot, l’âme de ma puce adorée. L’amour que nous avons partagé.
J’avais constaté que parmi nos nombreux et variés conifères, nous n’avions pas d’épinette bleue. Or, ma mère en avait planté une chez nous quand j’étais petite, et au fil des ans j’avais été ébahie de la voir tant pousser. J’ai vérifié: elle n’existe plus aujourd’hui. À moi donc de reprendre le flambeau, au nom de ma Mi. Parfait, car sa tombe se trouve au beau milieu d’un groupe d’épinettes (mais pas bleues, et moi j’aime le bleu, bon), ce qui indique à l’ignorante que je suis que mon arbre aura tout ce qu’il faut pour grandir!
Direction la jardinerie. Première constatation, il y a peu de choix. Normal, la fin de la saison approche, et bon, car les rabais sont au rendez-vous. Il devait y avoir une dizaine d’épinettes bleues, de divers formats et de cultivars variés. Deuxième constatation (attention les enfants, on se couvre bien les yeux pour la suite): maudite marde de bâtard, ça coûte cher, un arbre! Moi qui naïvement me suis garrochée sur les plus hauts spécimens… j’ai vite reculé! Près de trois cents dollars pour un arbre (magnifique) qui m’arrive à l’épaule! (Oui, un petit projet d’entreprise est né en ma cervelle à ce moment précis!) Qu’à cela ne tienne, nous sommes à demeure, nous pouvons attendre et voir de nos yeux voir pousser la chose.
Optons donc pour un plus petit bijou: une épinette bleue fastigiée ‘Iseli’ (Picea pungens fastigiata ‘Iseli’, blue spruce ‘Iseli Fastigiate’). Quécéça, fastigiée?
Se dit de rameaux dressés et rapprochés formant une pyramide étroite et élancée. (GDT)
C’est donc dire que l’épinette de Milady, et je cite l’étiquette, est et sera pyramidale, très étroite et dense. Une colonne. À la coloration bleu argenté remarquable. Pour le moment, elle doit faire environ quarante-cinq centimètres, mais elle croîtra à quatre mètres avec le temps, et formera une magnifique colonne. Ah oui, et on la dit rustique en zone trois: pratique pour une campagnarde novice de la zone quatre! (Je répète les renseignements de l’étiquette… en fouillant en ligne on me dit de 2,5 à 5 mètres, on me parle de la zone deux… je ne sais plus!). Enfin, c’est le seul arbre que j’aie planté ici (mon Homme a transplanté quelques jeunes arbres, ma mère a planté quelques thuyas et sapins sauvés d’un chalet qui sera bientôt vendu, de même que le lilas qu’elle m’a offert), et je suis contente que ça ait été pour Milady.