Ce billet s’inscrit dans une série pour le vendredi sur les Campagnonades. J’y parle de notre réalité de l’apprentissage hors des murs de l’école.
Les gens se demandent parfois si les parents ont le droit de ne pas envoyer leur enfant à l’école pour que celui-ci fasse son apprentissage dans un autre contexte. La réponse est oui, presque partout dans le monde, et au Québec aussi (1). Je vous dirais par contre que c’est là prendre la question à l’envers, parce que l’école obligatoire pour tous est une invention récente au lieu d’être la norme dans l’histoire humaine, et que ce sont plutôt les parents qui, en envoyant leur enfant à l’école, partagent avec l’institution une partie de leur autorité parentale, car ce sont eux, les parents, qui ont le devoir juridique, la responsabilité légale, d’éduquer leur enfant. Vue ainsi, la fréquentation scolaire est un choix parmi d’autres. Et la loi ne le dit pas exactement ainsi, mais voilà: ni l’école ni le ministère ni la commission scolaire n’a à donner son accord ou son approbation.
Le hasard a fait que les détails juridiques de l’apprentissage en famille au Québec ont changé précisément l’année où ma fille allait faire sa première année. Alors qu’auparavant bien des familles choisissaient de ne pas s’inscrire auprès de leur commission scolaire, les règles ont été clarifiées en vue de cette année. Je vous dresse un survol rapide des exigences ministérielles actuelles, mais je vous dis tout de suite mon opinion que tout ça est un fardeau inutile pour les familles, entre autres car les recherches indiquent qu’un suivi administratif étatique plus serré ne mène absolument pas à de meilleurs résultats pour les apprenants. C’est facile à comprendre, et c’est pareil en classe: qu’un parent ou en enseignant ait une charge de paperasse plus lourde ne mènera pas à une réussite accrue pour l’élève. (Et là, en plus, on parle de parents, donc de gens qui ont par définition les progrès de l’élève-enfant à cœur…)
- Au plus tard le 1er juillet, chaque année, il faut envoyer au ministère et à la commission scolaire compétente un avis écrit indiquant le choix de l’apprentissage en famille. C’est la seule communication obligatoire avec la commission scolaire (aucune avec l’école).
- Au plus tard le 30 septembre de chaque année, il faut envoyer au ministère le projet d’apprentissage de l’enfant (les matières, les ressources, les activités). Il faut mettre en œuvre ce plan au plus tard à cette date. Si on souhaite obtenir des services de la commission scolaire, il faudra lui faire parvenir le projet également. (J’ai choisi de ne pas mettre mon doigt dans ce cadre de porte-là pour le moment.)
- Trois à cinq mois après le début, il faut envoyer un état de situation écrit au ministère, ainsi qu’un bilan de mi-parcours.
- Il faut participer à une rencontre (un appel, je présume) de suivi avec une personne-ressource de la Direction de l’enseignement à la maison, nouvellement créée.
- Il faut soumettre une évaluation de la progression de l’apprentissage (ce qui peut se faire par portfolio).
- Il faut soumettre un bilan de fin de projet.
- (Et on recommence l’année suivante…)
Tout ça, évidemment, dans un cas simple d’enfant qui n’a jamais fréquenté l’école (c’est un peu différent mais pas trop si l’enfant est retiré de l’école, pour les dates, tout ça). La liste des obligations administratives est lourde à lire pour un parent, bien franchement (j’aurai bientôt deux versions de tous ces documents à soumettre, mais pour certaines mères, ce sera quatre, cinq…!). On aimerait mieux passer ce temps-là avec nos enfants! Et tout ça est motivé par une grande crainte étatique qui n’a pas de fondement, alors c’est un peu décourageant, côté parental (on espère que nos obligations rassurent les gens qui se disent contre l’école-maison, mais en même temps, ces peurs-là ne nous appartiennent pas!). Cependant, en réalité, il semblerait qu’on peut s’en tirer avec un minimum d’effort. On verra, puisque les nouvelles règles sont en rodage, mais jusqu’ici, à part de long retards du côté ministère, tout semble bien aller pour nous… (Un avantage de ces règles nouvelles, c’est que les menaces de dénonciations à la DPJ ne semblent plus aussi probables qu’avant – tant mieux, car la DPJ a suffisamment de vrais problèmes à régler!)
Si j’ai pu créer les documents demandés sans m’arracher les cheveux, c’est grâce à l’AQED, l’Association québécoise pour l’éducation à domicile, dont nous sommes membres. Ses documents, explications, gabarits et exemples sont clairs et rassurants, et permettent de se simplier la vie. D’ailleurs si l’aventure vous intéresse, ne vous fiez pas à mon petit survol, mais allez plutôt visiter l’AQED.
(1) Article 15 de la Loi sur l’instruction publique : Est dispensé de l’obligation de fréquenter une école l’enfant qui (…) reçoit à la maison un enseignement approprié (…)