J’ai passé la fin de semaine à essayer très fort de survivre sans empirer mon cas. À 16 heures lundi je rencontrais un médecin (ça m’embête que le terme ne fasse pas comprendre tout de suite qu’il s’agissait d’une femme). Résultat, infection pas mal méchante et bien implantée dans mon crane, ayant probablement résulté d’une sinusite qui s’est enflammée et répandue, la débauchée, jusque dans ma gorge (en bonne campagnarde heureuse, je vois ça comme un bon signe: je suis si en forme maintenant que je n’ai que peu remarqué cette foutue sinutite radioactive!). Antibiotiques et pompes nasales pour quatorze jours et la campagnarde devrait se porter comme un charme (sauf que les corticostéroïdes me rendent speedée au possible et que les antibibis vont me détruire l’intérieur, m’enfin…). Tout va ou ira donc bien. Y a juste un truc… j’aime pas du tout quand la réalité de la vraie de vraie vie me pousse à agir contre mes valeurs (bon, personne n’aime ça…). Et là… ouf. J’ai été dans une clinique privée, voyez-vous. Et je n’ai même pas de regret!
J’ai décrit la situation de l’accès aux médecins dans ma région immédiate dans un billet qu’un ami a appelé caustique (il avait sans doute raison, et caustique je peux être, mais caustique je préfère ne pas adopter comme attitude généralisée!). Question de civisme (oh le gros mot! quand je vous dis que je suis archaïque…), aller à l’urgence me semblait absolument ridicule, même si c’était pratiquement ma seule avenue possible dans le secteur public: je ne saignais pas, je n’agonisais pas, et pourquoi aurais-je (de un, pris la chance d’attraper les pires saloperies du monde en attendant et, de deux) pris la place d’une personne dont le besoin est plus urgent ou les ressources moins abondantes? J’avais une voiture et toute ma tête (ce qui n’est pas le cas quand j’ai une bronchite), je pouvais me rendre ailleurs. Alors voilà, même si je crois profondément au système plublic (de santé, d’éducation… quoique ce dernier me désespère quotidiennement), j’ai été un peu forcée de voir que je n’aurais les services dont j’avais besoin, au public, qu’au prix d’une attente folle (ou du moins qui m’aurait rendue folle). J’ai rempli un petit formulaire en ligne vendredi matin tôt. Trois heures plus tard, coup de fil d’une jeune femme sympathique et rendez-vous lundi après-midi. Dur de faire mieux!
Et une fois à la clinique à Laval? Oh-là-là les amis. Vous savez la scène à la fin de Jésus de Montréal (Sauve-moi Jésus, sauve-moi!) quand on voit en parallèle les réalités anglos et francos des hôpitaux montréalais? Eh bien la différence entre la réalité que je connais des cliniques publiques et la réalité que j’ai vécue lundi est pas mal infiniment beaucoup plus flagrante encore. Dans la salle d’attente? Des fauteuils plus confortables que dans mon salon (et beaux, même si mes chats les détruiraient rapidement). Tous libres. Devant moi, un foyer électrique et un téléviseur à écran plat. À côté de moi une distributrice d’eau, un frigo offrant des bouteilles de jus, et… une machine à espresso. Le décor? Très classe. Honnêtement si une joueuse de harpe avait été plantée dans le coin avec flottant au-dessus d’elle quelques angelots, je n’aurais pas été surprise. Les employées (j’ai choisi cette clinique entre autres parce que l’équipe est surtout composée de femmes, et que j’ai eu beaucoup de succès, ces dernières années, avec des femmes comme fournisseurs de soins de santé)? Souriantes, accueillantes, drôles, visiblement heureuses et amicales entre elles. Un milieu de travail heureux (et comme je travaille seule après des années de bureau, je suis très sensible à l’atmsophère des milieux de travail que je visite). À peine le temps d’ouvrir mon livre que l’infirmière m’appelle à son grand bureau doté d’une énorme fenêtre. Pas de niaisage. En sortant je lui mentionne qu’elle doit être heureuse de travailler ici… Elle a souri grand comme ça et s’est lancée dans un discours spontané sur sa qualité de vie au travail. Une infirmière heureuse! (Pensez-y: les infirmières sont pratiquement toujours d’excellentes personnes, et même les plus aigries peuvent être prises comme il faut et mises de notre bord (C’est fou comme un peu de respect peut mener loin…), mais ne sent-on pas toujours un peu qu’elles sont accablées, même lorsqu’elles sont consciencieuses et généreuses?)
Le médecin? Tout aussi charmante. Efficace, gentille, douce, souriante: un médecin comme on en rêve (et comme les étudiants doivent rêver d’être!). Des patients aux dix minutes, elle l’a assez fait, m’a-t-elle dit (et elle n’était sans doute pas plus vieille que moi). Elle n’avait qu’un regret, ne pas être entourée de nature (j’ai quand même tenté de l’attirer dans mon village, vous pensez bien!). J’en ai profité pour faire renouveler de vieilles ordonnances, échues mais pratiques à avoir au besoin (surtout quand on prend conscience de la difficulté ici de simplement voir un médecin deux minutes pour un truc non urgent). Les ordonnances sont sorties de son imprimante, toutes lisibles au possible, et portant en entête mon nom, ma date de naissance, mon adresse, mon numéro de téléphone… TOUT ce dont a eu besoin la pharmacienne, tout! Ça c’est de la collaboration intelligente! Et de l’écoute. Oui, un médecin qui écoute!
Moi qui ai passé 34 ans à ne pas aimer les médecins, je viens (enfin!) de tout comprendre: moi non plus je ne serais pas aimable si pour faire ce que j’aime dans la vie je devais subir des conditions inhumaines! Ah oui, tu peux être médecin, mais tu devras endurer de fonctionner comme un travailleur d’usine, à la chaîne, et attention, une usine du dix-neuvième siècle. Pas étonnant qu’on doive les payer cher et que ça ne suffise pas! Alors moi qui pense tout de même qu’avec de la bonne volonté (beaucoup de…) et de l’intelligence (encore une fois, un char pis une barge), on pourrait avoir un système public beaucoup plus efficace et sensé… je ne peux pas nier la réalité concrète que j’ai vécue au privé. C’était le jour et la nuit. Et vous, quand vous cherchez à vous procurer un service, aimez-vous mieux avoir devant vous un grognon qui regarde par-dessus votre tête et nie ce que vous lui dites sur la réalité de votre corps, que vous êtes seul à connaître, ou une personne épanouie, qui aime son travail et prend le temps de le faire dans les règles de l’art? L’équation est facile, il me semble.
(Je ne veux pas redevenir caustique tout de suite, mais… la suite, à la pharmacie, a été tout aussi révélatrice. Je suis membre d’un ordre professionnel et je dois donc souscrire son assurance médicament. Je paie chaque mois pour ça. Pour quoi au juste? Pour absolument rien. J’en ai eu pour 250$ de frais en pharmacie, sans atteindre ma franchise. La pharmacienne n’en revenait pas (autre conversation sur les nombreux illogismes du système…). J’en suis maintenant à me poser de sérieuses questions sur la pertinence de mon appartenance, qui semble au bout du compte me coûter beaucoup de sous pour pas grand chose. Et ça, c’est triste. Enfin, je dis triste parce que je suis médicamentée au possible… probablement que j’enragerai quand j’irai mieux!)
250$ de franchise! ouf!
Ouin. Ajoutés aux frais mensuels! Je me pose de sérieuses questions. C’est ben le fun être sûr qu’on fait partie de la classe moyenne parce qu’on se fait presser le citron d’aplomb, mais… pas trop souvent, ok?
Euh… Je n’ai pas les moyens d’aller dans le privé mais si je les avais, je n’hésiterais pas une seconde! En passant, excellent ce publi-reportage.
Tout dépend de ta façon de calculer. Moi j’ai un tarif horaire, et c’est facile de calculer ce que je perdrais en passant une journée à attendre peut-être en vain. Le privé est une dépense médicale, déductible sur la déclaration de revenus. Au bout du compte… ça dépend du « cash flow » et quand j’ai assez mal, moi, je finis par tasser les priorités et trouver les sous. Sauf que je n’en suis pas heureuse. Au sens où j’aimerais qu’on n’en soit pas rendus là.
Parfois la visite au privée est remboursée par ton assurance, as-tu vérifié?
Mon assurance à la franchise infranchissable? 😉
Dans mon métier (archiviste) pas d’ordre professionnel, à moins d’être archiviste médical. J’ai donc pas d’assurances du tout puisque je suis archiviste pigiste… sauf que ma conjointe est cadre dans une entreprise avec «une couverture full assurance*» et de fait, je suis intégré (de par la Loi) à son assurance. Et je débourse pas un sous pour ça ! C’est à n’y rien comprendre…
* pas d’assurance contre les casse-pieds et autres imbéciles du genre cependant 😉
Quand l’Homme travaillait en ville, même situation: son employeur payait la majeure partie pour nous deux, et je n’en voyais rien. Dès la fin de cet emploi par contre, pas eu le choix (mais dans mon cas l’adhésion à l’Ordre est un choix, et je trouve dommage de le remettre en question pour des enjeux financiers, mais ces enjeux sont bien réels!).
Attention à toi, archiviste: la pharmacienne me disait que les particules de poussière de papier sont plus fines que nos filtres nasaux et que les sinusites peuvent arriver par là!
L’assurance contre les idiots, je ne l’ai pas, je cherche encore. Par contre j’ai réduit les risques de méfaits en m’isolant ici! 🙂
>Attention à toi, archiviste: la pharmacienne me
>disait que les particules de poussière de papier
>sont plus fines que nos filtres nasaux et que les
>sinusites peuvent arriver par là!
Chanceux ? en tout cas, jamais fait une sinusite de ma vie. Et pour le papier, l’archiviste de XXI siècle manipule de moins en moins de papier mais de plus en plus d’octets (du moins, dans mon cas). Une sinusite d’octets, ça existe docteur, ou est-ce comme le cancer du bras droit* qu’un mythe urbain 😉
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* Coluche
http://www.youtube.com/watch?v=fSf2w23NYOA
Hihi, avec mon épicondylite, je disais toujours « c’est le cancer du coude! » 🙂
(Mais un cancer bubonique, hein, on s’entend!)
Ouep, pareil pour moi avec les octets. La traductrice moderne délaisse ses bouquins pourtant adorés! Mais tu as refait ton bureau, c’est de la poussière, et moi j’ai déménagé et ça, c’est un ouragan de poussière! Et pire, la maudite sinusite peut passer inaperçue! Je n’ai pas été congestionnée! J’ai eu des maux de tête et je me suis posé la question, mais ça a passé (euh, seulement en apparence!).