Ce billet s’inscrit dans une série pour le vendredi sur les Campagnonades. J’y parle de notre réalité de l’apprentissage hors des murs de l’école.
Il arrive que des gens, dans leurs réactions relatives à l’école à la maison, révèlent leurs propres blessures anciennes (mal guéries…). Ils ont vécu des choses parfois difficiles à l’école, ils sont passés à travers, et maintenant, pour eux, dans leur historique personnel mental, ces épreuves sont devenues des jalons, des défis relevés. Ils se disent que tout le monde doit passer par là. On parle, ici, de taquineries, de tiraillages, de moqueries… jusqu’à l’intimidation grave. Parfois, les gens disent Ben oui mais comment ils vont apprendre à gérer ça, à réagir, face à de l’intimidation, s’ils n’en ont jamais vécu? Ça les fatigue. Ils se disent que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort, que les épreuves forment le caractère. (Un tiers des élèves du secondaire ont vécu de l’intimidation et de la violence, vous trouvez ça correct?)
Alors maintenant le mercredi, de 10h à 10h50, nous faisons une leçon d’intimidation, concentrant toutes les vacheries qui peuvent être dites et faites à un enfant moyen pendant une semaine scolaire en cinquante minutes bien tassées. … Vous trouvez ça dément? Vous avez raison. Et on ne ferait jamais ça!
Comme adulte, est-ce que ça vous arrive souvent de vous faire pousser sans provocation? Heurter comme par hasard, ce qui fait tomber au sol ce que vous transportiez? Crier des noms? Lancer des aliments? Que des gens que vous croyiez vos amis se mettent à parler contre vous avec d’autres, en ricanant derrière leurs doigts? Est-ce que des gens critiquent à voix haute vos choix (de vêtements, d’aliments, peu importe) avec mépris? Vos talents? Vos différences? Et les autres en rient? Est-ce qu’on vous fait trébucher? Est-ce qu’on se moque de votre poids, de vos lunettes? Recevez-vous souvent des boulettes papier-salive derrière la tête? Quand vous marchez sur le trottoir, on vous arrache souvent votre tuque pour la lancer dans une flaque boueuse en riant?
C’est ça, la réalité ordinaire de l’intimidation dans le quotidien scolaire. Le banal de la vie d’un enfant. La moindre différence, du handicap à la douance en passant par manque de ressources parentales, devient prétexte. Ajoutons au passage les ragots et les paroles de parents qui se font répéter dans l’autobus scolaire, sans filtre ni vérification… dans un petit milieu où tout le monde se connaît (et s’observe mutuellement)…
Alors non, je ne crois pas que l’intimidation entre enfants soit un passage obligé. Les efforts (louables!) des écoles pour éradiquer l’intimidation me donnent raison sur ce point-là, je crois. Pour répondre à la question de départ, je dirais que mes enfants apprendront comme tout le monde à vivre et à régler des conflits (par la pratique!), mais qu’au lieu d’apprendre à se remettre de l’intimidation, j’aimerais qu’ils se construisent assez avant d’en vivre (car l’intimidation existe à tout âge, seulement elle prend d’autres formes) pour simplement ne pas se laisser faire ni atteindre. Je fais mon possible…
J’aime beaucoup.
Merci. J’ai beaucoup hésité avant de publier. Je ne suis pas ici arrivée à bien articuler ce que j’entends par blessures scolaires, mais je pense que la majorité des gens sortent de leur parcours scolaire avec de telles blessures. On s’en rend compte plus tard (ou pas…).
Je vois souvent cette hargne, ce «ben là si moi j’ai pu endurer ça, tout le monde devrait», qui suit la fausse logique du «ce qui ne tue pas rend plus fort» et je pense qu’elle vient, justement, de blessures non repérées. Je pense aussi qu’on a tendance à oublier la violence banale et ordinaire, quotidienne, qui se produit quand on entasse des jeunes humains ensemble (même quand on appelle tout le monde «les amis»…).
J’sais pas, moi je me souviens de coups, de jambettes, de poussées, de vacheries, de menaces, de plein de choses qui, vécues dans une vie adulte, me feraient composer le 9-1-1.