Des fois, un rien me jette à terre. Ou en fait non: un rien, je le gère. C’est le deuxième, le troisième et surtout le quatrième rien sur ce qui devient une pile de riens, qui me désembobine. Et ça vire laid, c’est pas long, dans ma tête (tout est ma faute, c’est assez phénoménal; si vous cherchez un bouc-émissaire, vous l’avez trouvé, et il a le dos large). C’est aussi de n’avoir personne à qui parler qui empire tout: un tracas domestique, comme une laveuse (pas neuve mais pas vieille non plus!) qui ne draine plus et qui fait un bruit grinçant quand j’essaie de la convaincre de vivre encore, et qui est dans un racoin impossible d’accès pour un réparateur ou des livreurs, coincée entre la sécheuse (qu’il faudra donc débrancher et sortir) et le chauffe-eau. Je ne peux pas en jaser bêtement avec quelqu’un qui n’aurait probablement pas plus de solution que moi, mais qui me permettrait de dédramatiser, de finir par en rire. Tandis que là, la laveuse est en train de faire un bouillon (ça doit être du slow food…) avec un tapis et des serviettes. Et que même si je savais comment sortir la sécheuse de son trou, je n’ai pas le droit de forcer si peu de temps après une chirurgie dentaire.
Bon, je ne suis pas non plus sans ressources. On a épuisé le mazout sans que j’en commande à temps (ça, c’est entièrement ma faute, c’est clair, mais probablement que les reproches sans fin que je m’adresse ne sont pas nécessaires…). Je m’en suis rendue compte un samedi soir, tard, seule à la maison (j’ai passé la commande, mais personne ne livre avant lundi au plus tôt, bien sûr). Bon. J’ai installé deux chaufferettes et crinqué le feu avant de me coucher, avec un ventilateur qui poussait l’air chaud vers le rez-de-chaussée. Dimanche matin, il faisait 15 degrés en haut. J’ai reparti le feu (même pas besoin d’allumette), trouvé deux autres chaufferettes, fermé des pièces moins utilisées, et remonté la température, un dixième de degré à la fois. (Maintenant si je pouvais arrêter de m’acharner sur moi-même, tout irait presque bien. Ce que je fais dans ce temps-là: de la bouffe. J’ai mijoté un ragoût de poulet avec plein, plein, plein de légumes. Et un pouding au chocolat dans des bols en cœur pour les enfants, qui vont les trouver à leur retour. La magie, ça serait de m’autocongratuler pour ça autant que je me tape dessus pour tout le reste…)