L’automne n’est déjà plus si colorée. Ou, du moins, plus aussi exubérante. Je l’aime autant ainsi, se laissant observer dans ses nuances, ses motifs, ses subtilités. J’aime la mi-automne et ses teintes fanées (comment les rassortir? L’automne me remet en mémoire des vers!). J’aime voir la vie qui se met en répit, et qui semble vouloir m’aider à me calmer (c’est pas gagné). Le temps doux nous gâte et j’essaie dire oui plutôt que non quand ma puce veut aller dehors. Ça commence en avant, là où l’épinette tombée est maintenant débitée. Déjà un chêne pousse et prendra sa place avec le temps.
Près du jardin d’eau, l’asclépiade lance ses futures générations, fruit de tout un été de croissance. Nous la laissons pousser et attirer les monarques, mais nous n’en avons pas vus beaucoup cet été. Triste réalité.
Dans l’étang, les quenouilles pâlissent et j’aime leurs ton de paille.
Mais ma fille veut aller plus loin. Marcher sur la mousse (attention, parfois c’est glissant!). Et les feuilles! Sous le grand chêne son frère avait assemblé un tas de grandes feuilles. Quand elle a vu ça, elle savait quoi faire, perpétuant une tradition d’enfance sans doute millénaire.
Plus loin encore. Ma petite aventurière part devant, les chiens la suivent. Parfois je m’arrête devant une touche lumineuse, un éclat, un détail qui attire mon oeil. Je lui dis Attends, ne va pas trop loin, je veux savoir où tu es! et elle revient assez pour que je la voie, puis repart gaiement, sans crainte aucune, comme je le faisais petite. Heureuse dans son élément.
J’arrête encore. Son corps d’enfant est dans l’action, mon esprit d’adulte est dans la contemplation. Regarde: on voit dans l’arbre! Elle enjambe les arbres tombées, soulève les branches légères (pas si légères) pour passer dessous. Je dois lui demander de revenir quand parfois elle choisit un chemin à sa mesure: je ne peux pas passer par tous ces petits trous, et les chiens ne peuvent pas grimper à la verticale. Ça l’embête, et elle me lance des pourquois. Parfait: on peut parler du fait que nous sommes partis ensemble, tous les quatre, et que c’est à nous, humaines, de tenir compte de nos amis à quatre pattes.
Par où est la maison, voilà ce que je tiens à savoir (le reste, ça peut attendre). Au pire, les chiens la retrouveront! Je suis plus timide ici et maintenant que dans mon enfance, côté aventure forestière. Mais c’est que je passe moins de temps dans les bois. Que je n’ai pas encore apprivoisés ceux-là, qu’ils ne font pas encore autant partie de moi. Elle m’indique sans hésiter qu’elle veut aller par là, sans sentier… et j’accepte. Je la suis.
Toujours, mon oeil de photographe aime les motifs. Le quasi monochrome, les lignes, les formes, l’abstrait. Pas surprenant que je ne fasse pas fortune: mon intérêt est souvent… autre.
Nos chiens sont d’extraordinaires amis. Sans eux parfois je ne mettrais pas le nez dehors, je ne me botterais pas les fesses pour aller marcher. Et pourtant j’en ressens tant de bienfaits. Comment marcher dans les feuilles, seule avec eux, main dans la main avec ma fille, et ne pas aller bienmieux?
La vie est en repli. Elle se prépare et reprendra ses droits plus tard. Mais elle est là, bien là, partout. Vivre à la campagne, y revenir, c’est une réalité plurielle, c’est être devant des habitudes, des cultures et parfois des gens que je ne comprends pas plus qu’ils ne me comprennent. C’est se bloquer de certaines possibilités parfois, c’est subir/voir/ressentir le mépris d’une société (trop) urbanisée, sclérosée. Mais c’est aussi cette vie-là, que j’ai toujours eu besoin de voir, de sentir, de toucher. Il y a l’externe, les contraintes, les réalités moins drôles de la ruralité, mais il y a aussi cette vie-là. Essentielle pour que je me recentre et que je continue. Les mains dans la terre ou les pieds dans les feuilles. Il faut que je me le rappelle plus souvent: va jouer dehors. Le reste… le reste attendra.
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Belles photos. C’est apaisant et ça me fait du bien. Merci.
Apaisant, voilà le mot. Trop souvent j’oublie les solutions à ma portée. Changer la trame sonore ou… l’environnement!