Pendant le mini-réveillon, on jasait de Dehors, Serge, dehors (que je n’ai pas vu, mais que je souhaite voir) et mon beau-père a demandé, comme ça, comment on en arrive à développer une telle phobie sociale. C’est pour lancer une réflexion, pour que chacun puisse trouver ses réponses (elles sont nombreuses, les raisons possibles) que j’écris ce billet. Sans expertise (sauf mon expérience limitée) en la matière: on jase, là (et j’ai seulement ma propre piste de réponse, qui n’a rien à voir sans doute avec celles du Serge en question).
Quand je suis devenue travailleuse autonome il y a plus de quinze ans, que je suis passée d’un travail au centre-ville de Montréal à un bureau qui était la moitié de la pièce double qui était notre chambre à l’époque, le choc a été différent de ce à quoi je m’attendais. D’abord, je me suis beaucoup ennuyée des petits encouragements quotidiens, des bon travail et des merci de mes ex-collègues. J’ai fini par m’habituer à ne plus recevoir ces tapes dans le dos métaphoriques (je me rattrape en offrant un service rapide et impeccable à mes clients et ensuite en me roulant dans leurs compliments et remerciements). Ensuite, ce que j’ai fini par trouver difficile, c’est l’espèce de loupe sous laquelle chacune de mes interactions semblait se placer, prenant une importance inégalée. J’ai fini par comprendre pourquoi…
Au centre-ville, j’avais des collègues, des patrons, des voisins d’étage, des amis et des connaissances. Juste en sortant le midi, je voyais des milliers de visages, je frôlais des centaines de piétons, de magasineurs, de touristes. Bref, des tonnes d’humains. Si une interaction était désagréable ou simplement moins qu’idéale, ça n’avait aucune importance: elle était noyée dans une mer d’interactions. Une sur 600, au quotidien, ça s’oublie bien.
Chez moi derrière mon écran, même en pleine ville, le rapport avait changé. Je voyais mon conjoint, son fils, j’interagissais par courriel et je voyais quelques humains périphériques (je pense à la famille qui tenait le dépanneur pas loin, à des livreurs, au postier, etc.). Soudainement, une interaction négative prenait beaucoup de place: ce n’était pas une sur 600, mais une sur quoi, 20? La pondération avait changé.
Maintenant, je vis en pleine campagne, sans amis vivant près de moi, sans famille ici (sauf mes enfants). Jusqu’à la pandémie/séparation, ça allait bien pour moi, côté sôcial. Je n’ai pas besoin d’être toujours dans un groupe ni une foule. Mais… y a toujours ben des limites! Ne plus jamais voir personne (les longs mois où on avait le droit de voir des gens, mon ex était encore ici et personne ne voulait se mettre dans ce malaise-là, on le comprendra), ne plus toucher personne, ne plus simplement jaser en buvant un café, ne plus parler de mon quotidien ni entendre parler d’autres quotidiens, ne plus simplement pouvoir *rire* avec quelqu’un (ni faire rire quelqu’un! Ça me manque, ça! Je suis drôle quand je vais bien, vraiment…), ça finit par user. Et si les interactions tombent, mettons, pour cause de pandémie, de 20 à… 2, ou, certains jours, à aucune? Surtout que tout le monde se retrouve dans son coin, en télétravail, plus ou moins confiné, plus ou moins écœuré, et que tous ont de bonnes raisons de ne pas répondre à leurs courriels et autres communications…
Qu’est-ce qui arrive alors? Pour moi, ça fait que le message vocal un peu frustré laissé par une adjointe médicale sur ma boîte vocale avant Noël peut me tenir éveillée la nuit jusqu’après le Nouvel An. À culpabiliser, à me justifier dans ma tête, à m’excuser en pensées, à préparer mon appel quand son bureau rouvrira (à ne plus savoir comment communiquer avec un autre être humain, à en avoir peur, même). Et ça se peut, laissée avec ce seul contact (notez qu’avec la pandémie un message vocal d’une inconnue est devenue un contact!) humain-là pendant un bout de temps, que j’aie beaucoup moins de facilité à aller spontanément vers les gens. Même par courriel. Parce que les reproches de la dame n’étaient pas une interaction sur 600, mais se rapprochaient plutôt de 100% ce jour-là et m’ont atteinte dans un moment de vulnérabilité. Répétez ça pendant deux ans…
Ça érode la confiance (envers soi et les autres), ça étiole l’humanité. Ça transforme la solitude en isolement. Petit à petit. Ça donne envie de creuser une tranchée, d’ériger des murs. De se protéger. Parce que les proportions changées donnent une impression d’assaut, d’agression, ce qui peut mener à une hypervigilance qui a toutes les apparences d’une solution béton. Vaut mieux se terrer, ça cause moins de souffrances. Oui évidemment qu’il y a un piège là: je ne vous dis pas de tomber dedans, je dis simplement Attention: trou béant!
Oh que ça me rejoint ce que tu écris là! Pas étonnant que je sois si silencieuse depuis un bout! Je pense à toi souvent même si je ne commente pas . Pis,ta Foliole je la lis toujours moi!?
Je pense aussi souvent à toi et je ne t’écris pas!
On va bien ensemble tu trouves pas????
Hahahahaha, oui mon amie!