Quotidien

Le quotidien d’une mère est… indescriptible (illustrable, oui, mais…) et imprévisible. Tenez, un matin j’ai réparé et réinstallé la porte d’un tracteur Massey Ferguson. La veille? Ah, la veille, j’ai remis l’épaule disloquée de Captain America après avoir opéré un éléphant qui avait inopinément fendu en deux (ben quoi, ça arrive…). Ensuite j’ai recollé des ciseaux vus par hasard en bas, qui ont dû être échappés (fort… ou à répétition…) mais qui, en tout cas, avaient une poignée en morceaux dont personne ne m’avait parlé (alors je n’ai encore dit à personne que je les ai réparés, ha… je ne sais pas pourquoi c’est une victoire, mais c’en est une!). Vous devinez que je venais, après deux mois, de retrouver ma super colle, meilleure amie des parents.
160417 103Évidemment, l’hôpital pour ours et autres peluches doit parfois ouvrir son bloc opératoire et je deviens alors chirurgienne du fil et de l’aiguille. Et j’apprends à nettoyer différentes substances sur différentes surfaces. Et à penser à l’envers, comme récemment, quand j’ai ramassé un troisième verre d’eau de mademoiselle renversé sur toute la table en une même journée (oui elle ramasse ses propres dégâts mais, pour ceux qui n’ont pas récemment vécu avec un enfant de cet âge-là: c’est pas parce qu’un effort est fait qu’il… est visible ni sert à quoi que ce soit! Donc j’accours quand même…) et que j’ai réalisé qu’on donne aux enfants des tasses légères, des verres légers, faciles à renverser… pas surprenant donc, que… (et même moi je renverse ses verres souvent!), alors maintenant elle utilise des tasses plus lourdes, de vraies tasses. Miracle, plus de dégâts! Pour compenser, le petit homme ne mange pas de purées mais bien des morceaux de tout et n’importe quoi (ses aliments favoris, dans l’ordre: les bleuets, les crevettes et les mûres) qu’il prend bien souvent lui-même et qui atterrissent donc partout. C’est pas grave: il est si fier et heureux que je passe le balai et la débarbouillette (pas aux mêmes endroits) en faisant des pitreries pour lui.
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Avant de connaître son enfant, on ne peut pas non plus deviner ce qu’on entendra. Voici quelques extraits récents de mon environnement sonore (je ne parle pas encore du petit, qui va ruiner mes tympans avant de régler son volume, mais qui, pour compenser, dit déjà maman et Anne-Gaïa, depuis qu’il a même pas sept mois)…

[Dans l’auto.] Maman, ça sent le fumier. Oui, ma fille. Maman, maintenant ça sent la coccinelle. La coccinelle?!?! Oui, ça sent un peu… coccinelleux.

Oh! il y a un peu de nuagerie maintenant!

Mushu [le dragon-marionnette] dort dans son parc. Son parc, c’est une vielle boîte qu’il a trouvée. Il l’a trouvée, euh… sur un bateau de pirates fantômes vide. Alors soudainement, lui et moi on vivait sur le bateau et ils sont pas revenus: ils étaient vraiment morts! [Vous avez suivi? Le bateau était vide et les pirates fantômes étaient a) vraiment morts et b) pas revenus. C’est son soudainement qui me fait craquer! Ce qui devient moins drôle, c’est quand ce genre d’histoire dure 43 heures avec seulement quelques entractes et que la narratrice exige la participation du public!]

Vous savez quand on dit «ça a l’air de…, j’ai l’air…, tu as l’air…»? Ma fille pense (et je ne la corrige pas sur ce seul point — ça et son récent tatouillage — parce que c’est trop mignon et qu’elle n’a pas 5 ans…) qu’on utilise le verbe allairer. Parlant à son petit frère de la période avant sa naissance, elle lui a dit: T’avais hâte de rencontrer ta famille, de voir de quoi ils allairaient!


J’ai commencé ce billet il y a quelques semaines. Où je m’en allais avec ça? Je ne le sais plus. Du tout! Et pourtant… c’est peut-être précisément là que j’allais. Mon quotidien de maman, c’est des interruptions, des redémarrages sur les chapeaux de roues, des acrobaties de flexibilité mentale et parfois physique. C’est vouloir penser et ne plus pouvoir tellement il y a de fils d’idées coupés nets et enchevêtrés. C’est penser loin, mais jamais longtemps, et voir venir, mais jamais exactement parfaitement. C’est ne plus pouvoir entendre mes réflexions par moments. C’est ne plus comprendre pourquoi je fais autre chose que passer du temps avec eux. C’est réaliser que j’ai bien fait de tomber en amour avec la salle à manger-cuisine de la maison en y entrant… parce que j’y passe le plus clair de mon temps. C’est me sentir démunie et inébranlable à la fois, toute-puissante et impuissante… tout le temps.

160411 262Être mère pour moi c’est comprendre plein de choses… et ne pas avoir le temps de m’y attarder, d’y réfléchir. C’est ne pas comprendre plein d’autres choses, me gratter la tête et continuer. C’est tomber de fatigue chaque soir en relisant le même paragraphe pour une 8e fois, parfois le même que la veille. C’est parler et entendre les mots de ma mère sortir de ma bouche (pour certaines ce serait terrible; pour moi c’est un soulagement!). C’est, de plus en plus, la certitude que je ne ferai jamais rien de plus important que ce que je fais maintenant, quand je m’occupe de mes enfants. Ça, c’est… c’est une question complexe et déstabilisante, mais c’est ma vérité, celle qui vient de moi et non de l’extérieur. Ce qui n’empêche en rien mon quotidien d’être en dents de scie.
150722 015Ces jours-ci, mon Marc-Henri a presque huit mois et il est prêt pour se promener à quatre pattes mais il ne le sait pas. Il sait pousser sur ses bras, juste pas encore coordonner l’arrière pour que la locomotion soit contrôlée (mais locomotion il y a!). Et l’Anne-Gaïa, bientôt cinq ans. Cinq ans! Jamais pareilles, toujours remplies, les journées se succèdent, que je les vois passer ou pas!

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2 réponses à Quotidien

  1. Ana dit :

    Bonjour !

    Ah ! Là,là c’est mignon, touchant, intelligent et si créateur se verbe  » allairer » de La Puce-bien-éclairée …Bravo ! Mon Bien-Aimé en a rigolé d’admiration en écoutant ma lecture de votre récit à cet égard !