En vrac.
Chaque fois que je lis le défi de fiction courte de Chuck Wendig, je me dis que cette semaine, rien ne me vient et que je vais laisser faire pour cette fois, et simplement recommencer la semaine suivante. Sauf que ça mijote malgré moi et quelque part entre samedi et lundi, ça se développe un brin dans ma caboche. Bien souvent, ça se développe quand je marche dans la nature ou que je nourris mon garçon. Ce sont des moments de silence solitaire: je me retrouve enfin avec mes pensées. Le résultat créatif que vous voyez n’est pas toujours entièrement relié à ce que j’ai d’abord élaboré: faute de pouvoir enregistrer ou noter mes pensées, j’en perds et j’en modifie au fil des minutes et heures. Mais j’en conclus que ce petit blocage, ce refus du début, fait partie de mon processus.
Comme pour le défi de préservation d’aliments, je trouve que, pour le moment, ça me fait du bien d’aller chercher pour l’utiliser un moteur extérieur. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais moi, un petit moteur, j’en ai un. Il tousse et crache par moments mais il continue son chemin et moi devant. Alors parfois, que l’impulsion, le carburant et la poussée viennent de l’extérieur, ben… c’est reposant.
Chaque semaine je vois la limite de mots comme un chiffre à atteindre ou presque. Et au début je trouve que 1000 mots, par exemple, c’est long. Sauf que j’écris et on dirait que tout ce que je voudrais dire au début prend trop de place et qu’il n’en reste plus pour la suite. C’est un bon exercice, car je découpe, coupe et élague. Mais c’est aussi excellent de constater, finalement, que chaque texte bref pourrait être retravaillé et devenir la base d’un ouvrage plus long. Finalement il me suffirait de m’y mettre…
Et voici soundainement qu’au lieu d’écrire un texte par semaine, j’en ponds deux. Un selon le thème et un autre, qui me vient soudainement autrement, qui vient d’ailleurs comme de nulle part. Au point où je me demande qu’en faire, puisque les lecteurs et lectrices ici n’ont pas nécessairement l’intérêt requis pour ça, que ce n’est pas nécessairement l’endroit.
L’usage de l’anglais est paradoxal. Il me libère de certaines contraintes (surtout psychologiques et acquises). Il me permet aussi de m’amuser en périphérie d’une petite collectivité d’auteurs (amateurs et professionnels) qui jongle avec les défis hebdomadaires. Paradoxal cependant parce que j’attire ici des gens qui ne lisent sûrement que l’anglais, alors que je n’ai rien d’autre à leur offrir ici. Traduire les Campagnonades ou en tirer un site parallèle et anglophone est une idée qui me tiraille depuis le début. L’investissement requis me garde du côté hésitant de cette clôture-là.
Le temps que ça me prend, le temps que je consacre à l’écriture de fiction, c’est du temps que j’ai récupéré ailleurs. J’ai passé des années à croire fermement que je n’avais pas le temps d’écrire. Qu’ai-je fait récemment? J’ai changé mes habitudes relatives aux médias sociaux. Je cite cette Erica que j’aime tant:
I don’t know when shares, clicks, and follows became confused with human worth, and echo chambers became confused with conversations, but that’s just not a ride I want back on. [Je ne sais pas quand on s’est mis à confondre les partages, les clics et les abonnements avec la valeur humaine, ni les chambres d’écho avec des conversations, mais c’est là un manège dans lequel je ne veux pas rembarquer.]
J’ai abandonné la visite de Facebook. Et oh que oui l’algorithme vous fait payer votre désertion! J’ai beau mettre à jour par l’entremise d’un autre service, peu de gens voient mes publications. Et pourtant je m’amuse ici infiniment. Ici chez moi. (Oui bien sûr le serveur appartient à autrui, mais le contrôle sur ce qui s’affiche m’appartient, et mon but n’est pas de vous manipuler pour vous monétiser!) J’ai remis en question le glissement qui s’est opéré au cours des dernières années, qui a fait que la valeur semblait plus attachée à la popularité qu’à l’authentique qualité. Quand on y pense c’est évident, mais c’est plutôt à contre-courant. Alors voilà, j’écris de la fiction sans personne pour me lancer fleurs et bonbons, et c’est cela qui est thérapeutique. Même chose pour les photos que je publie régulièrement depuis un bout de temps: je le fais par pur plaisir, et non pour obtenir des J’aime et des clics. Pas pour plaire à autrui: pour me sentir plus en harmonie avec qui je suis. Y a quelque chose d’intéressant là. Je ne sais pas si c’est moi-moi ou l’âge qui avance, mais de plus en plus, je sens et je sais que ce que les autres peuvent penser de ce que je fais n’a aucune importance. Entre le dire et le ressentir profondément, y a une marge et je l’ai franchie progressivement jusqu’à l’effacer.
J’ai résisté à Facebook tellement longtemps et on m’a tellement fait sentir comme une arriérée rétrograde un peu nouille… tellement que quand j’ai embarqué, j’ai vraiment embarqué (ben quoi, mon cerveau est fait à peu près comme le vôtre, et les experts qui conçoivent les réseaux sociaux sont forrrrrrrt efficaces). Et pourtant, quelques années plus tard, je vous le dis: c’est moi qui avais raison (pour moi, évidemment!). Et si maintenant je n’ai plus toutes les nouvelles, si je ne suis plus au courant de tous les événements, eh bien… je vis bien avec ça. Me sentir rejetée ou assumer ma place dans la marge (ou au-delà!)… c’est uniquement une question de point de vue, voyez-vous.
Côté paradoxes… je n’aime pas particulièrement les nouvelles. En lire, je veux dire. Quand une nouvelle est bonne j’en voudrais un roman entier et quand elle m’emmerde, elle m’emmerde autant qu’un mauvais roman, alors je suis généralement insatisfaite. Mais en écrire, là, c’est autre chose. J’aime en écrire! Haha! Je n’écris pas non plus spontanément nécessairement selon les genres littéraires que je préfère. Ça, c’est intéressant.
Tout cela, fictions et réflexions, n’est qu’un moment figé dans le temps, une image prise à un instant précis, le long d’un processus qui se poursuit.