La plupart des gens ont au moins un rhume chaque hiver. Moi, non (je ne me plains pas! Pas du tout!). Ce que j’attrape chaque hiver, moi, c’est plutôt une… cataloguite. Aigüe. Suraigüe. Les catalogues de semences arrivent avant Noël (pas fous, hein) et continuent d’arriver ensuite, et moi je manque de me noyer dans la salive que je produis involontairement devant tant de couleurs, de formes, de… ah. Que. C’est. Beau! En plus il fait gris et blanc dehors (c’est mieux que gris-blanc-brun), alors…! Ouin, bon. Ça se soigne, une cataloguite. Ou du moins, ça se gère! Là je suis dans la phase de déni, qui précède l’arrivée des catalogues. C’est la phase où je me dis Bah cette année, rien, je n’ai besoin de rien. Et pendant que dure cette phase-là, je me crois. (Mais [évidemment!] cette année, c’est vrai, vous savez. Pas comme les précédentes…)
Bon. Pour le moment, voici la saponaire rose, ou saponaire de Montpellier (Saponaria ocymoides, rock soapwort). Elle est magnifique sur mes photos, mais ce sont des photos de 2017, année du semis (transplanté, comme vous le voyez). Cette année elle a pâti, ma jolie, et elle aura besoin d’aide pour revenir l’an prochain, je crois (trop à l’étroit, peut-être). Car elle est vivace. Et voilà la forme que ma cataloguite avait prise en 2017: c’était une cataloguite… vivace.
Ma cataloguite annuelle (mais parfois vivace, si vous me suivez) a le don de se jumeler à une autre affliction: l’amnésie hivernale. Quand le terrain est couvert de tant de neige qu’on ne voit plus les tuteurs laissés en place, je me mets à avoir des lubies. Je m’imagine, dans un espace-temps nébuleux (vous savez, avec un peu de brume dans chaque coin, histoire de créer un effet de vignette vieillot?), ni passé ni futur, en longue robe fleurie, semant à la volée des graines quasi magiques en dansant, mes pieds frôlant à peine la verte prairie… et c’est LÀ que je clique pour passer à la caisse avec mes semences. En pleine amnésie, oubliant com-plè-te-ment que chez nous, la «saison» des semis, le moment entre la fonte de la neige et le début des grandes chaleurs avec arrivée massive de mouches et de maringouins, ça dure… environ 45 secondes. Bon j’exagère: 45 minutes, au moins.
Quand je lis, en hiver, dès que le sol peut se travailler, je me vois bien habillée, les mains dans un sol meuble et frais. La réalité c’est qu’au moment où le sol devrait pouvoir être travaillé, eh bien… le pied de neige par-dessus est pas d’accord du tout. Bref la saponaire? Dans mon délire (revoyez la robe longue qui volette au vent, tralali tralala), je me voyais (le ridicule ne tue pas) l’utiliser en passant, comme ça, après une séance de désherbage. J’allais tout simplement me mouiller les mains et me les frotter de saponaire (vraiment, là, elle savonne! ça au moins c’est pas du délire!), enlevant délicatement les résidus de mon labeur (tralaleur!).
Revenons à la réalité, puisqu’il le faut parfois. J’ai planté ma belle saponaire, je l’ai admirée, je l’ai divisée (et ma chatte a tué mon beau pot qui reprenait en grand), et je n’y ai plus retouché. Voir que je vais me laver les mains en plein jardin! De un, y a pas de point d’eau là. De deux, quand je passe à côté de ma saponaire, j’ai les bras pleins de récoltes ou de vêtements (mes enfants pensent que le gazon à côté de la piscine est magique: ils n’ont qu’à y laisser des tas de vêtements pour les retrouver pliés et lavés quatre jours plus tard…). La saponaire, je lui dit salut en passant, et… je passe!
N’empêche qu’elle est vraiment jolie, avec ses petites fleurs, et que j’espère la multiplier l’an prochain. Elle tapisserait une rocaille (je n’en ai pas), alors je vais la laisser s’éparpiller en couvre-sol, je crois. (Et cesser de me faire des illusions? Là, c’est beaucoup demander à une pauvre femme atteinte de cataloguite récurrente!)
Tu m’as fait rire là! On a des rêveries semblables, il semblerait…
Des fois j’oublie que je suis drôle. (D’autres fois je le suis pas, mais bon hein tsé. Et d’autres fois encore, ça sort tout croche.)