Mon quasi silence sur les Campagnonades, je m’en rends compte, est lié à ma situation post séparation. Je vais mieux, je remonte la pente, je me répare petit à petit, je me calme l’anxiété, mais il reste encore beaucoup de bobos à gratter — pour les nettoyer a posteriori. C’est quand je raconte que je vois dans la réaction de l’autre à quel point j’ai vécu des choses qui, psychologiquement, s’apparentent à de l’abus. Constant, à petite échelle, subtil (en partie involontaire, sans doute) et mordant (comme le Silence [j’ai tant vécu de silence que j’ai eu envie de lui mettre une majuscule], comme le déni d’intimité ou d’appui). Que j’ai gobé jusqu’à en redemander, que j’ai excusé, justifié.
Les yeux mieux ouverts, ça me laisse des fragilités. Pas tant des insécurités qu’une absence quasi complète d’ego. Quand j’ai une idée de billet de blogue, je ne sais plus par où la prendre: je ne me sens pas de légitimité pour offrir des conseils (de base, là, sur le jardinage, une recette ou un produit que j’utilise, peu importe). J’ai plutôt une réaction de bah qui suis-je moi pour affirmer x ou y, qui serais-je pour donner mon opinion, pour colliger des informations. Et je ne rédige pas. Je cherche un nouveau ton, voilà, pour continuer à campagnoner.
Je réalise aussi (là on sort de la question du blogue) que je me comporte comme une ancienne otage ou comme quelqu’un qui a vécu un traumatisme (j’en ai vécu un, mais peu perceptible et à long terme, ce qui fait que je remets en question jusqu’à sa réalité). Quand on me touche, je sursaute. Et il y a des tonnes de détails: quand quelqu’un dit ayoye, j’hésite avant de demander si ça va, parce que mon ex me trouvait énervante de le faire, supposément parce que quand on se fait mal on a mal et on ne veut pas en parler (euh… je voulais juste m’assurer que tu n’avais pas besoin d’assistance?); c’est confondant parce que mon fils, lui, me dit précisément le contraire, que quand il dit ouch, il a mal et DONC besoin de moi.
Exprimer mes besoins, ou mes souhaits… j’ai appris à ne pas le faire. Parce que chaque fois que je le faisais, on me l’enlevait ou on cessait de me l’offrir: en mentionnant la chose, je fournissais des moyens de contrôle (j’ai mis beaucoup de temps à le comprendre). Difficile maintenant pour moi de même distinguer ce qui me ferait plaisir. Difficile de croire à l’authenticité de ce qu’on me dit, souvent. Difficile aussi d’aller vers autrui, même par courriel ou message électronique: on a pris ma peur (bien humaine, il me semble) du rejet et on l’a utilisée comme une arme insidieuse contre moi, sans que ça paraisse trop. Ça fait que maintenant, il me manque des morceaux. Oh, ils repousseront bien un jour, d’une manière ou d’une autre. Ça chemine, lentement, sûrement. Mes certitudes ont été ébranlées, ébréchées, dévastées, et j’avoue que parfois je m’ennuie de mes anciennes illusions. Mais ce n’est, au fond… pas plus grave que ça!